Quand la maison brûle, on ne refuse pas un seau d’eau parce qu’il serait trop petit

2020-10-07

On a raison de ne pas être content avec la nouvelle loi CO2. Comme toujours, le parlement suisse agit tard et de manière timide. Les mesures, négociées au millimètre, ne répondent pas aux enjeux que notre société encourt et même pas à ceux que le parlement s’est lui-même donnés, en s’engageant de respecter les accords de Paris. On peut s’accorder que cette loi est insuffisante et c’est aussi les scientifiques qui le disent.

Certain-e-s d’entre vous jouent donc avec la tentation de refuser le tout avec un référendum, afin que cette vérité sort le jour et que place soit faite pour une loi plus ambitieuse, des mesures plus radicales, une loi qui serait décidée ensuite par - oui, par qui en fait?

Est-ce que c’est la bonne méthode? Est-ce qu’on sera plus fort après un non? Est-ce qu’on aura le temps?

On me dira que le refus a très bien marché début 2019. Face à une majorité de droite du Conseil National qui diluait toute mesure climatique à des doses homéopathiques, une alliance contre nature entre la Gauche et l’UDC a refusé la loi, ce qui a mis le parlement sous pression pour revoir sa copie.

Mais une votation populaire ne fonctionne pas comme un parlement. On a beau faire des déclarations en campagne, dans l’urne on peut soit mettre un oui, soit un non. Il n’y a pas de troisième voie (sous peine de se faire invalider son bulletin de vote). Pour ceux qui ont voté oui, on peut présumer qu’ils ont soutenu ce compromis. Pour ceux qui ont voté non, on ne connaîtra pas leurs motivations précises. Ont-ils suivi les milliers d’affiches et de tout-ménages du lobbying pétrolier et de l’UDC? Ont-ils suivi la grève de climat qui depuis la pandémie n’est pas vraiment en forme? Ou ont-ils suivi un peu les deux, vu que le discours sur les mesures asociales et et celui de l’essence trop chère se rejoignent?

Si le oui importe, plus il est fort, plus ce sera un message du peuple pour aller plus loin. Si c’est seulement 51%, on restera aux mesures décidées. Si c’est 65%, des voix encourageront avec légitimité une deuxième loi, plus forte. On a vu en septembre que la vague verte ne s’est pas limitée aux élections, mais elle s’est étendue sur des votations. Les campagnes de votation sont devenues plus professionnelles, les jeunes votent plus. La politique ne pourra pas ignorer ce changement. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer les forces d’une votation. L’enjeu de résoudre la crise climatique est aussi celui de le faire ensemble comme société, de créer un consensus et de ne laisser personne de côté. Chaque oui renforce la protection climatique, chaque non l’affaiblit.

Si le non emporte, on perd d’abord du temps et on continue à polluer au rythme actuel. Puis on cherchera à reconstruire une loi dans le même parlement. Puisque les oppositions pour chaque mesure individuelle sont facilement majoritaires, il n’y aura de nouveau que des petits pas. Mais il faudra une plénitude de mesures, techniques, sociales, des régulations, des interdictions, car il n’existe pas un interrupteur miracle dans ce monde qui peut sauver le climat tout seul. La pollution CO2 est une question de quantité, et chaque domaine de notre activité humaine y est connecté.

Si des initiatives populaires peuvent rajouter la pression politique, elles ne sont pas plus rapides que les lois. On a vu le blocage entre parlement et peuple pour les rentes. Des démontages ont pu être refusés, mais des progrès n’ont pas été possibles non plus. Ce blocage dure maintenant 15 ans. Est-ce qu’on aura ce temps pour le climat? On ne peut pas parler de l’urgence et de refuser en même temps des mesures concrètes. Même si elles sont insuffisantes, elles ont un effet.

C’est pourquoi il faut s’opposer fermement au référendum, et si la votation devrait avoir lieu, se battre avec conviction pour un oui.

Verts Suisses: Trois raisons pour la loi CO2

Knutti: Das rev. CO2 Gesetz wird für die Klimaziele von Paris nicht ausreichen. Es deswegen zu bekämpfen ist aus meiner persönlichen Sicht dennoch gefährlich, dann haben wir gar keinen Rahmen für Klimaschutz.