Il faut sauver la place publique

2017-11-01

Le vote sur l’initiative NoBillag de mars prochain montre une fois de plus que derrière les choix budgétaires se cachent souvent des choix de société. Car si les initiants prétendent s’attaquer seulement au financement du service public, leur vrai but est de casser la SSR et mettre en place un nouveau paysage médiatique en Suisse.

Dans un monde numérique submergé d’informations, dans un monde où tout un chacun peut ouvrir son blog et échanger des messages dans son réseau social, pourquoi alors la perte d’une radio ou télévision publique serait-elle un danger ? A l’Assemblée des délégués des Verts suisses, Balthasar Glättli a résumé les enjeux dans un seul mot: la démocratie.

On appelle les médias le quatrième pouvoir pour une bonne raison. La société démocratique donne au citoyennes et citoyens le pouvoir d’élire le parlement et de voter sur des sujets les plus complexes. Pour prendre ces décisions, il faut une information fiable, qui pose sur des faits vérifiables et sur un débat qui inclut la diversité des opinions.

Il ne suffit pas d’avoir un droit à une opinion, encore faut-il être entendu. On a besoin d’une place publique pour débattre. Les réseaux sociaux favorisent des bulles où on partage les mêmes opinions voir des faits alternatifs. Les éditeurs des médias privés, concentrés dans des oligopoles, ont de moins à moins la capacité - ni vraiment la volonté - de financer la qualité journalistique nécessaire.

Aujourd’hui, dans beaucoup de régions en Suisse, le seul média qui garantit encore l’espace public, est la SSR. Elle permet à la société dans toute la diversité de s’exprimer et de s’adresser à tout le monde. Elle est aussi une des rares institutions qui unissent la Suisse, en faisant partager la vie, la culture, le cinéma, la musique entre les régions linguistiques.

Cette institution n’est pas parfaite. Tout le monde peut avoir un avis sur ses programmes. L’un ou l’autre serait tenté de donner un signe, comme lors du vote sur l’initiative de l’immigration, du Brexit ou de l’élection de Trump. Il faut rappeler la radicalité de l’initiative : l’initiative n’interdit pas seulement toute possibilité de financement public au niveau fédéral, elle supprime le contrôle des médias électroniques et donne une seule année pour la mise en œuvre. Berlusconi salue. Blocher, Frey et Tettamanti sont prêts à nous inonder avec leur propagande. Roger Köppel commentera les élections fédérales de 2019 (sous-titré en français pour les Romands). Et il n’y aura personne pour les contredire.

En ce qui concerne la Suisse romande, l’initiative n’a que peu de chances. Les citoyennes et citoyens d’ici sont en phase avec la RTS, mais aussi avec toutes les chaînes régionales telles que la Télé et Canal 9. La situation est toute une autre pour la Suisse alémanique. Trois courants politiques se sont unis autour de l’initiative : la droite populiste, les radicaux libertaires et les éditeurs de journaux qui utiliseront leur poids pour faire campagne.

Les Romands ont donc ses prochains mois une tâche particulière: si vous avez des amis ou de la famille outre Sarine, appelez-les et racontez-leur combien vous tenez au service public!