Il faut qu'on parle de l'Ukraine

2022-12-10

La maison en Ukraine brûle, et nous connaissons l'identité du pyromane, mais que faisons-nous pour arrêter le feu ? Nous avons tous manifesté, montré notre indignation, montré notre solidarité, peut-être avons-nous même accueilli un des réfugiés qui ont fui la guerre. Mais que devons-nous faire en premier lieu lorsque nous voyons quelqu'un se faire agresser ? Ne devrions-nous pas lui donner la possibilité de se sauver, de s'éloigner du danger, de se défendre ? Tout en étant pacifique et tout en faisant tout ce qui est possible pour éviter un conflit, ne devrions-nous pas aider la victime de s'en sortir ?

C'est exactement ce que la Suisse officielle refuse, avec l'accord également des Verts et des socialistes, lorsqu'elle refuse la livraison de munitions à l'Ukraine ? C'est une position que nos amis Verts européens ne comprennent pas et, ouvertement, et moi-mème je ne la comprends pas non plus. La position suisse est compris comme égoiste et nous isole de nos voisins.

Quand il y a une urgence, quand il y a un crime flagrant, nous devons aider la victime et ne pas nous cacher derrière une position légaliste.

On peut certes comprendre le fondement de cette position passive. D'une part, il y a la politique de neutralité, chérie par la droite populiste, mais aussi implantée dans la gauche, qui espère que la Suisse pourrait jouer un rôle particulier par sa position impartiale supposée. Avec un peu de sens de l'histoire, la gauche devrait se rappeler que cette neutralité est un leurre depuis un certain temps et qu'elle a elle-même dénoncé l'intégration de facto de la Suisse dans la stratégie de l'OTAN depuis la guerre froide. De ce côté, on se retrouve dans la figuration.

D'autre part une raison plus profonde qui vient du pacifisme de la gauche. L'idée que l'usage de la force ne peut pas apporter le bien est profondément ancrée dans notre pensée, et je la partage : tout doit être fait pour éviter un conflit armé. Nous ne devons pas cesser de négocier, tant que nous pouvons nous parler...

... avant que la guerre n'éclate. Je suis désolé, mais le 24 février change tout. Quand les prémisses changent, quand une puissance nucléaire attaque un État indépendant avec l'intention ouverte de détruire l'autre, nous ne pouvons pas rester passifs. Ce n'est pas le seul conflit au monde, ce n'est probablement pas le plus meurtrier, mais c'est la violation la plus flagrante du droit international et une menace pour la sécurité mondiale. Rester passif, c'est se rendre complice de l'agresseur. Cette attitude a été dénoncée par nous dans le passé.

Finalement il est également compréhensible que l'on veuille préserver une loi sur l'exportation d'armes qui a été durement obtenue par des initiatives et des semaines de négociations avec des politiciens de droite. Le compromis sur l'exportation d'armes est un acquis que nous ne voulons pas perdre, sachant que la droite sautera sur l'occasion pour revenir à une législation moins restrictive. Mais en restant sur cette position, nous oublions l'essentiel. Qui voulons-nous protéger ? Pour l'instant, c'est le refus de porter au secours ceux qui sont agresses.

Nous devons revoir notre position. La pureté idéologique, la position légaliste ne nous aideront pas lorsqu'il s'agira d'éteindre l'incendie. La neutralité est un concept vide de sens lorsqu'elle n'aide pas les victimes à se protéger d'une agression apparente. D'autres pays neutres ont révisé leur position, qu'attend la Suisse, qu'attendent les Verts, qu'attendent les socialistes ? Que faisons-nous pour arrêter l'incendie ?